Hygiène et environnement : je t'aime, moi non plus
Dans nos rêves, et nous espérons qu'ils se concrétiseront, nous partons du principe que la crise sanitaire sera une bonne secousse en faveur de l'environnement. Le COVID 19 nous oblige à prendre conscience de l'importance des risques que nous courons, de la nécessité de la prévention et de la prospective, mais aussi à adopter des mesures d'hygiène draconiennes. Celles-ci sont-elles bonnes pour l'environnement, même si nous nous sommes réjouis des effets du confinement sur la faune sauvage, qui a retrouvé un peu de sérénité pendant que les humains restaient chez eux. Un effet spectaculaire de cette exigence d'hygiène touche les transports en commun. Voilà un des piliers du développement durable durement affecté. La peur du virus et les mesures de prévention vont privilégier la voiture individuelle pour tous les transports assez longs pour dissuader le vélo. On peut craindre que le covoiturage, qui a connu une progression continue sera aussi sévèrement impacté, tout comme toutes formes de partage de voiture. Il y a surement des solutions, comme la désinfection des habitacles entre deux usagers, mais tout ça va prendre du temps et coûter de l'argent. D'une manière générale, toute la tendance au partage et à la mutualisation va devoir intégrer la nouvelle donne sanitaire. Une épreuve, qui sera peut-être source de progrès, mais qu'il faut surmonter le plus vite possible. Autre entorse aux principes de développement durable, qui ont déjà bien du mal à s'imposer : le retour de l'usage unique. Il s'agit de masques en papier ou en tissus, ou encore de gants, mais quelle marque laissera-t-il dans les esprits ? Le réemploi devient suspect, l'hygiène impose des matières neuves, stérilisées, bien controlées. Le "home made", y compris conforme à la norme AFNOR, est dévalué par rapport aux masques chirurgicaux fabriqués en usine. Qu'importe si nous dépendons que de nous-mêmes pour les premiers et qu'ils sont réutilisables, les seconds font plus sérieux. Le circuit linéaire achat-usage-poubelle est remis en valeur, au détriment dans les esprits des approches "circulaires" incluant le réemploi, du moins pouvons-nous le craindre. L'hygiène, ou l'image que l'on en a, a déjà fait le malheur de l'environnement. L'abandon des herbicides dans les espaces publics a provoqué bien des protestations au motif que les herbes folles "faisaient sale". Dans un autre ordre d'idées, l'emballage des parts de beurre, répandu et devenu obligatoire de fait dans la plupart des hôtels et restaurants, entraîne un gaspillage et des emballages dont nous nous serions bien passés. Idem pour les micro-pots de confiture, les pincées de sel sous sachet, les morceaux de sucre emballés un par un et les portions de moutarde. Ajoutons la question des dates limites de consommation, souvent bien précautionneuses et à l'origine de la mise au rebut de quantité de nourriture. Heureusement, sur ce dernier point, des progrès ont été faits, dont bénéficient les associations caritatives. La préoccupation d'hygiène ne se soucie pas spontanément de l'économie de ressources, et serait volontiers encline à préconiser les produits chimiques dans un grand élan de propreté. Elle nous enferme dans une approche centrée sur l'individu et considère que le reste du monde est potentiellement dangereux. Le risque existe, mais à vouloir s'en protéger sans discernement, c'est l'environnement qui est la victime. Même pour l'hygiène, il faut savoir raison garder.
Edito du 6 mai 2020
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