Fuite en avant
Espoir, Al-Amal en arabe, tel est le nom de la mission spatiale envoyée par les émirats arabes unis vers la planète Mars. C'était dimanche dernier. La compétition est ouverte, car Mars suscite bien des ambitions, américaines avec la NASA et Elon Musk, européenne avec l'agence spatiale européenne, et sans doute chinoise, les russe pas loin derrière. Il est question d'envoyer la-bas des colonies entières dans quelques années. La conquête de l'espace ouvre de nouvelles perspectives. Mars est devenu l'avenir des humains. Les mots ne sont pas neutres. L'exploration de l'espace, pour mieux compendre les origines de la Terre et son fonctionnement, est à l'évidence une bonne chose, mais il ne s'agit plus de ça. On parle de conquête et de colonisation. Il s'agit d'expansion, toujours plus loin. Une idéologie ancienne, qui ressemble fort à une fuite en avant, dont la planète Terre pourrait êre la victime. Tout se passe comme si cette dernière était déjà condamnée. Allons voir ailleurs, puisque nous l'avons exploitée sans vergogne, et qu'elle ne satisfait plus les besoins des humains. Est-ce un aveu d'impuissance face à la dégradation de la planète, une capitulation, un abandon, le contraire de l'espoir, qui donne son nom à la sonde spatiale en route vers Mars. Une sorte de politique de la terre brûlée. Le contraire du développement durable. Celui-ci consiste à sauvegarder le milieu de vie des humains, et non pas de l'abandonner pour en construire d'autres dans des environnements inhospitaliers. Le développement durable est un pari sur la planète, notre milieu de vie, nos ressources, notre alimentation, l'air que nous respirons. Il est à notre portée de réparer les dommages que nous lui avons fait subir, et de reconstituer sa productivité biologique, base de toute richesse. Nous apprenons par ailleurs que la population mondiale approche de son maximum, la fameuse "Bombe P" pour reprendre le titre du livre de Paul R. Ehrlich publié en 1968. Il semble que ce maximum sera moins élevé que ce que l'on pouvait craindre, une source d'espoir. La Terre peut offrir aux humains tout ce dont ils ont besoin, pourvu qu'ils prennent conscience de la finitude du monde, annoncée par Paul valéry dès 1931, et qu'ils l'acceptent. La recherche désespéré d'autres planètes, de planètes de rechange, montre que ce concept de finitude a du mal à passer, et qu'il est toujours tentant d'aller voir si "l'herbe est plus verte ailleurs", plutôt que de "cultiver son jardin". L'expérience montre qu'il est toujours plus intéresant de porter l'effort sur le meilleur usage des ressources, plutôt que la recherche de ressources nouvelles. La colonisation des planètes est en outre un objet de concurrence entre puissances. Il est à craindre que cette fuite en avant mobilise les compétences des meilleurs ingénieurs, au lieu de les affecter à l'amélioration de notre qualité de vie, ici et maintenant. Explorer l'espace, observer de haut la planète, oui, conquérir les planètes et en faire un objet de conflits entre nations, non.
Edito du 22 juillet 2020
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