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Faire avec le plus possible, contre le moins possible

Cette phrase du paysagiste Gilles Clément définit toute une politique. Prendre en compte les aspirations de ceux auxquels nous nous adressons, plutôt que de leur imposer des solutions qui leur sont étrangères et qui ont toutes les chances d'être rejetées. Une voie à suivre pour le changement climatique notamment. Pour prendre un exemple, le COVID-19 nous alerte sur la maison individuelle. Une forte poussée est enregistrée, qui renforce une tendance ancienne : les français souhaitent habiter une maison individuelle. Branle-bas chez les écolos. Halte à l'artificialisation des sols, aux nouveaux besoins de transport que cet étalement urbain provoquera ! Ces observations sont justes, mais sont-elles inéluctables ? Faut-il combattre frontalement cette aspiration, souvent vécue par les intéressés comme un retour à la nature, même si c'est largement fantasmé ? Une autre politique serait, justement, que ce fantasme devienne réalité, c'est à dire que l'offre de maison individuelle s'adapte à l'exigence de nature.

La condamnation définitive de la maison individuelle conduit à délaisser l'offre, au lieu de tenter de la faire évoluer. Une attitude qui laisse le champ libre à tous les acteurs concernés, élus locaux, promoteurs, lotisseurs, etc. La maison individuelle a pourtant des atouts à faire valoir en matière d'environnement. Elle offre des surfaces importantes pour capter l'énergie solaire, thermique ou photovoltaïque, elle permet de digérer sur place les déchets organiques, elle offre des possibilités d'autosuffisance, elle récupère ou infiltre l'eau pluviale, elle peut accueillir une réelle richesse biologique. Un potentiel qui ne se réalise pas toujours, en bonne partie parce que peu d'intervenants s'y intéressent. Et surtout, beaucoup craignent que des exigences en la matière ne soient un frein à la construction, ou un renchérissement. Les porteurs des valeurs environnementales sont absents, et le résultat s'en ressent. Une autre politique serait d'investir ce secteur de la maison individuelle, avec les associations d'élus, les organisations professionnelles (aménagement, construction, vente), les CAUE et autres organismes de conseil, et les relais associatifs locaux qui pourraient apporter sur place des élements de contexte à intégrer aux projets. Il existe déjà de bonnes pratiques, heureusement, et il convient de les promouvoir, de les adapter au territoires. Aujourd'hui, on sait faire des aménagements denses, bien reliés aux centres anciens, intégrés dans une trame verte et bleue, et producteurs d'électricité mutualisée. Un habitat qui produit de la vie sociale, de l'entr'aide, une relation apaisée avec l'environnement humain et naturel, des circuits courts pour l'approvisionnement. Ne vaut-il pas mieux encourager cette tendance que de s'engager dans un combat perdu contre la maison individuelle ? Il restera à traiter la question de la mobilité. Circulations douces et "actives" pour les déplacements de proximité, covoiturage, transport à la demande et autres formules mutualisées chaque fois que ce sera possible. Voilà une manière de "faire avec", qui pourrait donner de bien meilleurs résultats que "faire contre", qui donne en plus une image négative de l'écologie, toujours contre. Il faudra y ajouter un accompagnement continu, le "soft" sans lequel le "hard" ne pourrait produire se seffets. Par exemple, une animation pour aider les habitants à choisir des variétés locales pour leurs plantations, l'attribution de poules pour recycler sur place les déchets, des bourses d'échange de graines, etc. L'empreinte écologique d'une famille en maison individuelle n'est pas fatalement plus lourde que celle de son homologue de centre ville, en logement collectif.

 

 

Edito du 27 mai 2020

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