Ecologiser l'argent injecté dans l'économie
30 milliards pour la transition écologique. Pas mal, mais dangereux. ça me rappelle les premières opérations HQE, haute qualité environnementale, pour les constructions. Certains maîtres d'ouvrage étaient généreusement d'accord pour assurer un surcoût, et demandaient une première réponse sur le mode ordinaire, et une "variante" écologique. Comme si la HQE était "comme avant" plus quelques aménagements pour l'environnement. C'est une toute autre approche qu'il faut rechercher, une nouvelle manière d'aborder un projet, dès la formulation du besoin et des contraintes, le cahier des charges. Un autre projet, au lieu d'un projet+. Un projet dont le coût ne se limite pas à l'investissement initial, mais qui intègre le fonctionnement et l'entretien durant la vie du bâtiment.
Le résultat est une meilleure réponse aux besoins, et de meilleures performences du bâtiment, pour son fonctionnement mais aussi pour les usages qui prendront place dans ce bâtiment : satisfaction accrue des habitants des logements, meilleurs résultats scolaires dans les établissements d'enseignement, meilleures conditions de travail et par suite meilleure productivité dans les bureaux. Un gain sur le coût global du bâtiment et pour ses utilisateurs. Et il arrivait fréquemment que le coût le l'investissement initial ne soit pas supérieur à ce qu'aurait demandé un bâtiment classique, juste conforme aux normes réglementaires. Ce n'est donc pas une affectation ciblée de l'argent sur l'écologie qui importe, mais la manière dont les projets se montent, sont conçus et exécutés. Dans l'industrie, les progrès environnementaux sont pour la plupart liés à la modernisation des process, et la pression de l'environnement (prix de matières premières, pénalités pour les pollutions diverses, etc.) a été l'occasion d'améliorer les performances globales de l'entreprise. Intégrer l'écologie dans le design des produits est une voie de progrès à la fois pour les industriels et la collectivité toute entière. Isoler un poste spécifique "environnement" ou "transition" c'est affirmer que le développement durable coûte cher, alors que nous savons que c'est l'inverse, le non respect des contraintes, les "externalités" qui coûtent cher. Le réchauffement climatique, la chute de la biodiversité, le bruit, la dégradation de la qualité de l'air, la pénurie d'eau douce, etc. coûtent infiniment plus cher à l'humanité que les efforts qu'il faudrait faire pour relever ces défis. En cette période de réflexion sur un nouvel avenir, et d'investissements massifs, ce n'est pas de l'argent "en plus" qu'il faut, mais une nouvelle manière de dépenser l'argent injecté dans l'économie. De l'argent spécifique, malgré tout, pour accompagner les acteurs sur la nouvelle voie à explorer, développer la recherche, assurer les échecs inévitables quand on innove, encourager les hésitants et assurer les perdants de la transition de la solidarité nationale, pour les aider à surmonter l'épreuve d'une manière ou d'une autre. On parle beaucoup, par exemple, de rénovation thermique des bâtiments. C'est une mise à niveau globale des logements et locaux d'activité qu'il faut entreprendre pour répondre aux besoins du XXIe siècle, incluant la question de l'effet de serre, mais aussi la qualité d'ensemble en termes de qualité de vie des occupants et de capacité à répondre aux modes de vie d'aujourd'hui, que le confinement a bien mis en évidence. Il est évidemment difficile de formuler une exigence environnementale en termes budgétaires autrement qu'en identifiant un poste spécifique, mais c'est la meilleure manière d'obtenir une transformation en profondeur, au lieu d'une "couche" d'environnement vécue comme une contrainte. Le même raisonnement s'applique à la fiscalité : il vaut mieux écologiser les impôts qu'en créer de nouveaux au titre de l'écologie.
Edito du 5 août 2020
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