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De la difficulté d'anticiper

La question de l'anticipation est au coeur de l'actualité. La COVID illustre parfaitement la difficulté de cet exercice, pourtant vital. Manifestement, l'opinion et de nombreux acteurs, professionnels, culturels, etc., ne réagissent qu'au moment où la crise se révèle dans toute son ampleur. C'est à dire trop tard. Les dangers qui nous menacent sont pour beaucoup prévisibles, et peuvent être évités si les bonnes décisions sont prises en amont, avant que la dynamique du fléau, quel qu’il soit, ne devienne trop puissante. Bloquer, ou freiner la diffusion d'un virus sera d'autant plus difficile que la décision de passer aux actes sera tardive. Mais toute décision précoce apparait alors comme venue d'en haut, prise par des experts qui se trompent toujours. La prévention est toujours compliquée, d'autant que, si elle fonctionne bien, les dégâts évités n'apparaissent pas. Si tout le monde suit les conseils de Bison futé, les embouteillages disparaissent et on se demande à quoi peut bien servir Bison futé, pour ne prendre qu'un exemple trivial. L'exercice est encore plus délicat quand la source du danger est mal connue, ce qui est le cas avec la covid, être étrange, venu d'ailleurs, et dont on ne connait pas bien le comportement. Le réchauffement climatique est du même tonneau. Il progresse inexorablement, mais ses effets commencent juste à se faire sentir. Phénomène complexe, qui se combine avec la météo et ses caprices, et avec les fluctuations ordinaires du climat. Le besoin d'anticiper est évident, mais les efforts à consentir pour cela semblent toujours excessifs et ils peuvent attendre. Idem pour la biodiversité, dont la richesse, notre capital nature, s'effrite en permanence pour atteindre des niveaux alarmants. Les phénomènes lourds s'annoncent, mais la tendance à remettre à plus tard les mesures qui s'imposent reste forte. L'anticipation est par nature abstraite, elle demande une culture qui se construit dans la durée. Dans un monde qui évolue rapidement, où de nombreuses certitudes tombent, où nous ne savons plus où est la vérité, existe-t-il même une vérité ?, le message des prospectivistes a bien du mal à trouver sa place. L'anticipation pour éviter un malheur est toujours mal perçue, contestée, et souvent compromise par de mauvaises réactions de l'opinion et de quelques esprits forts. Il faut donner à l'anticipation des perspectives attractives. L'effort non pas pour éviter le pire, mais pour accéder au mieux. Le développement durable est une promesse d'un avenir meilleur pour l'humanité, mais le discours dominant ne la met guère en avant. Il s'appuie sur les dangers qui nous menacent. Le changement demandé n'est pas pour vivre mieux, mais pour éviter de vivre moins bien. Il y a mieux pour motiver les troupes. Pour la Covid, il est bien difficile de trouver du positif dans les efforts de confinement et de fermeture de lieux de convivialité. Seule une confiance dans les pouvoirs publics et les experts pourrait aider à accepter l'effort demandé, mais nous savons que cette confiance est défaillante, et qu'elle ne se reconstitue pas en un jour. Mais pour les risques liés au changement climatique et la biodiversité, l'épuisement des ressources naturelles, la peur du lendemain est un bien mauvais argument, alors que nous savons qu'il est tout à notre portée d'allier bien-être des humains et prospérité de la planète, l'un ne va pas sans l'autre d'ailleurs.

Edito du 30 septembre 2020

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