Plaidoyer pour une autre croissance
Mise en évidence par les jeunes en grève pour le climat, et concrétisée aussi bien dans les programmes électoraux que par le résultat des élections en Europe, la pression pour la transition s'accentue. Il faut passer aux actes. Un raisonnement facile serait de passer la marche arrière pour éviter de foncer dans le mur. Chacun sait, pour rester dans la métaphore automobile, qu'il est dangereux de passer directement d'une marche avant à une marche arrière. C'est la meilleure manière de tout casser, ce qui n'arrange rien. Il ne faut pas que le remède soit pire que le mal, ou que le malade ne meure guéri !
Une autre manoeuvre est de tourner le volant, et de changer de direction. De même que les "antimondialistes" sont devenus des "altermondialistes", une "altercroissance" serait plus pertinente. Il reste à définir le mot alter, à lui donner du sens, et nous savons que nombreux sont ceux qui doutent que ce soit possible. Une croissance du bien-être, bien sûr, qui ne soit pas prédatrice de ressources, qui consomme essentiellement des ressources humaines, de l'ingéniosité, pour ne pas dire du génie qui soit à la fois technologique et organisationnel, le hard et le soft. "Deux fois plus de bien-être en consommant deux fois moins de ressources", pour reprendre le sous-titre du rapport au Club de Rome "Facteur 4". Il faut pour cela rompre avec une idée reçue, à savoir que la croissance en soi est inévitablement destrutrice. Elle l'a été jusqu'à présent, parce que l'idée dominante était que la planète n'a pas de limites. Toute notre organisation sociale et économique est marquée par cette conception, et nos esprits formatés en conséquence. La vraie rupture est d'ordre culturel, accepter l'idée qu'il puisse y avoir une forme de croissance du bien-être, du développement humain, qui soit compatible avec la finitude du monde. Le refus a priori de cette hypothèse est bien compréhensible, car il remet en cause tellement de certitudes, mais il empêche d'explorer de nouveaux possibles. Le développement durable est la recherche de ces autres futurs, une aventure qui comporte de nombreuses inconnues, mais qui représente une alternative à la croissance telle que nous la connaissons. Donner un autre sens à la croissance, un autre contenu, à la fois attractif et mobilisateur d'un côté, et enrichissant pour la planète de l'autre, ça doit être possible à condition d'y croire et de s'affranchir des fausses évidences. Un double dividende à imaginer, quelle belle perspective pour les jeunes qui manifestent pour le climat !
Edito du 29 mai 2019
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