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Pendant le grand débat, le petit débat se meurre

Il s'agit de l'enquête publique, si utile pour améliorer les projets d'aménagement ou d'infrastructures. Souvent perçue comme "bidon", avec l'idée que les conclusions sont écrites d'avance, mais ce n'est pas une fatalité, et le travail de la commission nationale du débat public, la CNDP, tend à en améliorer la pratique. Recueillir l'avis du public, solliciter sa connaissance du terrain, comprendre les vrais besoins d'un territoire, ce n'est pas facile. Après une longue période ou les enquêtes étaient effectivement des formalités, un effort considérable a été fait pour en faire de véritables outils au service des projets. Au service, c'est à dire susceptibles de les amender, de les enrichir, et parfois de les rejeter s'ils ne correspondent pas aux besoins ressentis. Cet effort serait-il remis en question ? On peut le craindre, à la suite des attaques dont la CNDP a été l'objet à l'occasion du Grand débat national et limogeage récent d'un commissaire enquêteur trop exigeant. Le besoin d'enquêtes plus légères et plus rapides conduit à des propositions inquiétantes. Dans plusieurs régions sont testées des enquêtes uniquement par Internet. Oui à la modernité, mais attention à ne pas sacrifier le contact humain avec un commissaire enquêteur, et de ne pas sous-estimer les difficultés de compréhension des documents de présentation des projets. C'est déjà difficile de lire un tableau croisé ou un plan, et aussi d'exprimer ses inquiétudes, ses envies, de faire état de son expérience et de sa connaissance du terrain. Il s'agit sans doute d'alléger les procédures pour aller plus vite, et de lutter contre des recours abusifs de professionnels qui exercent parfois une sorte de chantage sur les projets. Mais le temps a du bon, il faut le temps du dialogue, de l'écoute. J'ai eu l'occasion d'interviewer Alain Juppé, alors maire de Bordeaux, pour rédiger "Le maire et son écoquartier". Son opinion est très claire : les consultations prennent du temps, mais le projet qui en résulte est meilleur. Pour un équipement qui durera au moins 50 ans, pour un aménagement qui marquera durablement le territoire et le cadre de vie, 6 mois ou un an de plus ne comptent guère, à condition bien sûr qu'ils soient bien utilisés. C'est donc sur la qualité des enquêtes qu'il faut porter l'effort, et profiter de besoin largement exprimé de participer à la vie publique pour créer une culture de la participation. Une culture basée sur la confiance, et ça se construit dans le temps.
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