
La culture du risque
La Covid-19 et les tempêtes exceptionnelles provoquent toujours une interrogation : en a-t-on fait assez pour éviter la catastrophe, avec sa composante plus agressive ? Que font les pouvoirs publics ? Comme si tout dépendait de ces derniers. L’État et les collectivités locales sont amenés à recommander une attitude ou des gestes particuliers, mais toutes les injonctions venant d’en haut provoquent deux types de réaction : non à l’infantilisation des citoyens, ou non aux atteintes à la liberté. Ajoutons que toute démarche différenciée, selon les régions, les activités, l’âge ou tout autre critère est également rejetée, au titre de l’égalité républicaine ou des difficultés de compréhension des messages circonstanciés. Un seul message, le même pour tout le monde de Dunkerque à Bonifacio. Beaucoup de bonnes raisons pour s’opposer ou au moins critiquer les mesures décidées. On retrouve derrière cette fronde le sentiment de méfiance vis-à-vis des élites, des politiques ou des experts, sachant que ces derniers y contribuent largement avec des prises de position contrastées. Mais il y a aussi un manque de culture du risque dans la population. Une culture qui ferait accepter les aléas sans chercher systématiquement un coupable. La mauvaise interprétation du principe de précaution illustre cette absence de culture. Il est devenu un principe de parapluie, la quête bien sûr vaine du risque zéro. Le principe de précaution est au contraire une pièce essentielle de la culture du risque, il donne la marche à suivre pour les risques « graves et irréversibles ». La recherche de nouveaux modes de production que nécessite le développement durable ne va pas sans risque, bien au contraire. Le changement est un risque en soi, ainsi que toutes les innovations. Développement durable et prise de risque, même combat. Il faut juste fixer le cadre pour les cas extrêmes, lesquels doivent faire l’objet d’une démarche collective. La culture du risque se décline à toutes les échelles, de l’État au citoyen, et celui-ci n’en est pas exempté. Faire attention, regarder où l’on met les pieds, se laver les mains avant de passer à table (et autres mesures d’hygiène élémentaire), respecter des consignes de pouvoirs publics ou de fabricants, ne pas remettre à plus tard l’entretien de ses équipements, etc. Cette culture ne se construit pas en un jour, et elle doit s’adapter à l’environnement physique et technologique. Elle concerne aussi bien l’individu et sa propre protection, que la collectivité qui assure la solidarité entre ses membres. Telle précaution (au sens courant du terme) ne concerne pas ceux qui la prennent mais leur entourage par exemple. Elle concerne aussi la collectivité qui assure les secours éventuels et la réparation des 123 RECIVILISATION dommages. Le défaut de culture du risque conduit les pouvoirs publics à imposer une attitude que chaque citoyen devrait s’imposer à lui-même. Il s’agit de la prudence sur les routes comme du débroussaillage des terrains dans les zones propices aux incendies de forêt. Le risque est partout, et la responsabilité de chacun est de le maîtriser. L’État est là pour fixer un cadre et donner des repères. Il lui revient aussi d’animer l’acquisition et la consolidation en continu de cette culture du risque. Le dis cours trop entendu de l’État protecteur n’est sans doute pas le bon pour diffuser une culture du risque. L’État animateur, coach, entraîneur, serait plus pertinent pour créer les conditions de mobilisation des citoyens.
Extrait de RECIVILISATION, à paraître le 29 mai 2025
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